mercredi 15 février 2012

La boulette de la Bonne Année.


Je n’aime pas souhaiter la bonne année, surtout aux personnes que je connais très peu. Avec les personnes que l’on connaît et que l’on apprécie, on formule des vœux sincères et cohérents. On sait ce dont ils ont besoin, ce qui leur ferait plaisir, le domaine dans le quel ils souhaiteraient que les choses s’arrangent. Comment voulez-vous tomber juste avec des personnes que vous connaissez à peine ? Comment voulez-vous savoir s’ils préfèrent la santé, l’argent, l’amour ? Je déteste entrer dans l’intimité de personnes que je côtoie de loin, comme la majorité de mes collègues de travail par exemple. Je n’ai pas envie qu’ils développent le détail de leur vie qui patauge et qu’ils aimeraient voir s’améliorer dans les semaines à venir. Pire, je ne veux pas qu’ils me souhaitent quoi que ce soit, j’appréhende la fameuse question « qu’est ce que je te souhaite de beau pour cette année ? ». question qui selon moi n’est qu’un stratagème soit pour éviter justement de me souhaiter quelque chose qui ne m’intéresse absolument pas, soit pour en profiter pour poser des questions indiscrètes, comme ça, l’air de rien. Alors, pour faire court, bref et concis, je me contente en général d’un « bonne année » tout bête, ou d’un « meilleurs vœux ». Et je ne rajoute plus l’année depuis que l’on m’a répondue « alors c’est juste pour une année et celle d’après je peux mourir, c’est ça ? ».

Mais parfois, devant la litanie de vœux prodigués par mon interlocuteur à mon intention, et face à son silence à la fin de mon joli « Bonne année », il m’arrive de vouloir étoffer mon propos. Cette année, afin de limiter les gaffes et vœux inadaptés –genre plein de bonnes choses dans votre travail, alors que la personne vient d’être rétrogradée- j’ai voulu jouer la carte de mais non la fête n’est pas finie... J’ai donc pensé à ponctuer mes vœux par un joyeux « et les fêtes alors, c’était bien ? ».
Fière de ma trouvaille, je balançais ma petite phrase à tout va dès le lundi matin au travail. Les personnes partaient donc dans un récit plus ou moins détaillé de leurs fêtes de famille, insistant sur la quantité astronomique de boissons consommées et de plats dévorés, levant les yeux au ciel en évoquant les montagnes de cadeaux reçus par les bambins. J’étais assez contente de cette soudaine vie sociale de bureau, moi qui exècre ces simagrées du nouvel an, où tout le monde se croit obligé de venir vous faire la bise dès le matin. 
En fin de matinée, un nouveau collègue entre me souhaiter la bonne année. Je lui retourne ses bons vœux et sort ma phrase fétiche « tu as bien profité des fêtes ? ». Et là, à ma grande stupeur, il me sort un « non » bien sec, devient blanc comme un linge et ne bouge pas de mon bureau. Le premier réflexe aurait été de lui demander le pourquoi de sa tristesse, de compatir, de le consoler. Sauf que, n’étant que très peu douée pour les échanges sociaux formatés, je suis juste restée là, scotchée à me demander comment ma petite phrase s’était retournée contre moi. Devant mon désarroi, mon collègue m’explique qu’un membre de sa famille proche va bientôt mourir. Et au lieu de lui dire un « je suis vraiment désolée, ça ne doit pas être facile je suis de tout cœur avec toi… » comme l’aurait sûrement fait n’importe qui, je lui ai juste sorti « ah oui forcément, c’est moins drôle, mais bon courage quand même… », j’aurais ajouté « pour l’enterrement » ça n’aurait pas été pire. Mon collègue a entamé un demi-tour et est sorti de mon bureau sans un mot ; quelque chose me dit qu’il n’est pas prêt de venir me souhaiter quoi que ce soit pour un bon moment…
Je suis restée longuement  à me taper la tête contre mon bureau en maugréant « mais quelle conne, mais quelle conne… », jusqu’à ce qu’une copine, une vraie vienne me faire un bisou, un vrai, pour la nouvelle année. Et à sa question concernant mes bonnes résolutions, j’ai aussitôt pensé, comme chaque année à « moins de nourriture et d’alcool et plus de sport » mais je me suis ravisée et lui aie juste répondu : « arrêter toute tentative de comportement social adapté au bureau».