vendredi 13 juillet 2012

Pol, 2 Tourtels...

... avec une petite goutte de n'importe quoi dedans, pourvu que ce soit assez fort pour te coller les poils du nez quand tu le renifles au goulot. A quelques jours près, cela fera trois mois que j'ai renoué avec Pol. Je savais bien que ce ne serait pas du tout cuit, qu'il allait falloir être patient. Après dix ans de séparation c'est normal, surtout que c'est vrai que je n'ai pas pris trop de nouvelles, je n'ai même pas envoyé un petit mot quand il a changé de nom. Mais je ne m'attendais pas à faire face à autant de rancœur.
En trois mois, Pol n'a pas fait le mort, loin de là. Pol m'a écrit, régulièrement, trop. Pas des mots d'amour, non, Pol m'a écrit pour me demander de me justifier sur tout et rien. Il a fallu que je lui fournisse mes fiches de paie depuis début 2007. Puis deux semaines plus tard, il m'en a demandé trois supplémentaires. Trois. Après plusieurs semaines d'attente, il m'a envoyé un mail, pour me dire qu'il avait tous les éléments. La semaine suivante, il m'a réclamé un autre justificatif. Justificatif que je devais demander à sa cousine, la Cafe... Difficile de joindre un être humain chez Cafe, j'ai donc conversé longuement avec des serveurs vocaux.
Ne recevant aucune nouvelle de ma part (demander un justificatif à la Cafe en période de congés d'été revient à changer d'espace-temps), Pol s'est fâché et m'a envoyé une lettre de relance. Puis, comme pour bien me faire comprendre qu'il ne lâcherait pas l'affaire, Pol m'a convoqué à une session "d'information sur les services offerts par Pôle Emploi". Ça ressemble à une invitation sympa comme ça, mais non. Oubliés petits fours et accueil chaleureux, de toute façon si tu ne viens pas tu es radié, ultime menace proférée par Pol. 
Donc me voilà de bon matin, cherchant désespérément une place pour me garer pour aller assister à ma réunion en ce jeudi matin pluvieux. Pol a bien choisi son jour, c'est le jour du marché dans sa rue, il n'y a de la place nulle part. Pas cool Pol. J'ai bien songé à suivre mes propres conseils et à venir un peu pétée, mais Pol a prévu le coup et nous a convoqué à 8h45. Et honnêtement, 8h45, ça reste tôt pour un Ricard, même au mois de juillet. Nous sommes 15, puis 14 quand la femme qui est venue avec son fils de deux ans dans une poussette se fait virer ("A la première manifestation de l'enfant, vous sortez"). L'animateur de la réunion a mis sa plus belle chemise rose et est une parfaite fusion de Franck Dubosc et Mickael Kael. Il nous déroule son powerpoint, nous fait quelques "focus" sur les choses à retenir, comme "il faut lire les courriers envoyés par Pôle Emploi" et "Nous avons une photocopieuse à votre disposition". Nous apprenons aussi toutes les choses que nous devons faire pour ne pas être "radiés". Il parle tellement souvent de radiation que ça me fait penser à Tchernobyl et que ça me colle le bourdon. Au bout de 3/4 d'heure de monologue passionnant, je sens mes yeux qui piquent, mes mâchoires que ne souhaitent que bailler, mes paupières qui gonflent. Je regarde mes camarades de labeur (ou de non labeur plutôt) et je sens bien que l'empathie est générale. Je change de position, bois de l'eau, mais rien n'y fait. Je tente une dernière position, jambes allongées, pieds croisés, bien calée sur le dossier, les bras croisés. Ça va mieux, je me sens bien, je me détends. Mon esprit commence à vagabonder, j'occulte les radiations, et laisse mes pensées s'éloigner. Je n'entends presque plus l'intervenant, juste le rythme de sa voix qui fait comme un léger bruit de fond...Et puis là, c'est le drame. Un bruit épouvantable raisonne, à la limite de me faire saigner les oreilles. Qu'est ce donc? un accident de voiture? une explosion de gaz? un crash aérien? non. Juste 13 chaises qui bougent en même temps en raclant bien le sol autour de la 14ème qui ne bouge pas parce que son occupante s'est légèrement endormie.
J'espère que Franck Mickael Kael ne me dénoncera pas, Pol est très exigeant, il ne comprendrait pas... Pour anticiper une réaction épidermique de sa part, j'ai demandé tous les justificatifs possibles pour tout ce que j'ai pu faire, voir, avoir tout au long de ma vie. Attestations de travail, difficile de retrouver les parents chez qui j'ai fait la babysitteur il y a près de 20 ans, tous mes diplômes ainsi que mes carnets de notes de la primaire au lycée que ma maman gardait bien précieusement dans le grenier, les documents attestant mes différents expériences sportives : handball, rafting, basket... j'ai même retrouvé ma carte de club de gym de 1995. Il ne me reste plus qu'à recevoir mon bilan gynécologique complet, et je serais parée. 
Je suis prête, allez Polo, envoies moi un de tes courriers pourris, je t'attends.