vendredi 25 mai 2012

La tour de la terreur, à la portée de (presque) tous...

...pour peu que vous bossiez dans une entreprise possédant un ou même plusieurs ascenseurs. Bien entendu, les cas où la cabine se décroche pour réellement vous faire mourir de peur (ou mourir tout court d'ailleurs) sont assez rares. Pour bien comprendre la portée de cette comparaison, il est préférable d'avoir testé cette formidable attraction de KeyMi Land number two comme nous l'appelons entre nous. Pour ceux qui n'ont pas la chance d'avoir frôlé le vomissement, la diarrhée et l'arrêt cardiaque simultanément, je vais vous décrire la chose. Après 8 heures d'attente (j'exagère mais j'aime bien), vous êtes enfin dans les starting blocks, bien rangés sagement dans votre ligne, attendant votre tour. Là, un mélange de peur et d'excitation pour envahit, vous êtes impatient et ignorant sur la chose. Le personnel de KeyMi est déguisé en "groom des ténèbres" et joue parfaitement son rôle : vous fiche la trouille. Les portes s'ouvrent : vous suivez la file, c'est à vous. Mr le groom vous donne les consignes nécessaires et hop c'est parti, une petite histoire de fantômes et pim pam, vous frôlez les trois symptômes mentionnés ci-dessus en moins de deux minutes. La première fois que je l'ai testée, j'étais seule. Une fois dans mon siège, j'ai tenté de communiquer avec le groupe d'espagnols qui avait pris place avec moi pour leur signaler qu'il n'y avait qu'une ridicule ceinture pour maintenir nos genoux et rien d'autre, que tout ça n'était pas normal, qu'il fallait alerter et sortir de cette cabine au plus vite. Mais rien n'y fit. Même en ajoutant quantité de "o" et de "a" à la fin des mots, mes copains de galère ne semblaient pas bien me comprendre. La suite fut nettement plus compréhensible pour eux puisque chaque montée de la cabine était accompagnée de mes "non, non, non, non" et les chutes de magnifiques "aaaaaaaaaaaaaaaaaaaahhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhh". A la descente, je dois bien avouer que j'ai, dans mon for intérieur, insulté Mickey. Et le groom qui a ponctué ma sortie d'un "ça fait peur, hein?". Et les espagnols également qui m'ont tous dit "adios, buenas dias" en se marrant, aucune solidarité européenne, j'étais choquée.

Mais bref, je m'égare... Donc nous aussi, dans notre entreprise nous avions une tour de la terreur. Nous en avions même trois : un pour les collaborateurs, moche, petit, plein de moquette qui pue, et deux pour les visiteurs, grands, lumineux, sol imitation marbre... Autant vous dire que nous étions nombreux à avoir pris l'option de nous qualifier de "visiteurs réguliers". La montée dans l’ascenseur peut être très opportune. Le matin, la grande glace vous permet de réajuster maquillage, coiffure, chemisier déboutonné (si, ça arrive et il vaut mieux s'en apercevoir avant son entrée dans le bureau). Certains matins par contre, le visage encore marqué par le tissu de l'oreiller, le cernes bleues s'étalant largement en dessous de vos yeux, le cheveux dégoulinant hésitant savamment entre boucler ou s'aplatir totalement, vous vous dites que vous auriez mieux fait de prendre les escaliers. Mais ce n'est rien comparé aux voyages ascenceurals accompagnés. Attention, vous pouvez avoir de la chance  justement, le jour où vous respirez le professionnalisme, de croiser une personne importante. Ne rêvez pas, cela n'arrive jamais, le président n'entrera que lorsque vous vérifierez si votre collant n'est pas filé ou que votre soutif est bien ajusté. Si vous avez beaucoup de chance, vous pouvez tomber sur les musts du tête à tête dans un espace petit et clos. Celui qui pue, des pieds, des aisselles, du cul, qu'importe il pue. Positivez, cela vous permet de tester vos aptitudes en apnée et de vous améliorer. Celui qui adore vous embrasser en vous tripotant l'épaule ou le dos. Même devant votre main tendue bien fermement, la réponse est toujours la même "on peu quand même se faire la bise!". Et là il vous reste à apprendre le nom de l'ensemble des maladies contagieuses existantes, l'herpès faisant toujours son petit effet. Dans les cas extrêmes, si vous pouvez ajouter "purulent" ce n'en sera que plus dissuasif. Il y a aussi le fourbe, qui laisse son odeur de prout ou de sueur avant de partir et vous laisse cette responsabilité une fois que vous, vous avez pris place dans l’ascenseur. Dans ce cas, ne pas hésiter à balancer le nom de la personne une fois la porte ouverte (ou de l'inventer si vous avez manqué l'auteur), devant les yeux - et le nez - médusés des potentiels nouveaux occupants...
Après avoir lu tout ceci, vous serez tenté de prendre les escaliers afin d'échapper à toute rencontre inopportune et avoir la cuisse ferme pour l'été. Cependant, n'oubliez jamais que l’ascenseur peut aussi être un lieu d’échanges et de convivialité entre collègues. Ou alors, avant de sortir vous pouvez simplement appuyer sur les boutons de tous les étages pour que le prochain passager mette deux heures à gagner sa destination. Une petite blagounette de bureau inoffensive mais tellement sympathique !

mercredi 16 mai 2012

Pourquoi il est nécessaire de se rendre bourrée à Pôle Emploi.

Pôle, Paul, Paul. J'aimais bien ce prénom, Paul, je l'avais même envisagé pour mon premier garçon jusqu'à ce que mon époux me serine "Paul, une Tourtel" toute une soirée, faisant référence au slogan d'une marque de bière.
Sauf qu'aujourd'hui, ce n'est pas "Paul, une Tourtel" que je dois rencontrer, mais Pôle Emploi de son nom de famille. On s'est connu il y a quelques années, quand il était plus jeune et se faisait appeler moins pompeusement "ANPE". Il habitait dans un quartier très mal famé et il exigeait qu'on aille le voir une fois par mois. Il m'avait envoyé faire un horrible stage de quatre heures pour apprendre à rédiger des CV. J'avais failli me pendre dans les toilettes mais je n'avais ni ceinture, ni lacets. Trois après nos présentations, n'y tenant plus, je l'avais quitté, heureuse de retrouver le monde du travail.
Dix ans après, me voici de retour chez Pôle. Il a changé de nom mais pas de logique. Car Pôle vient d'une autre planète, assez proche de celles de ses copines CépéAhème et Caffe, mais un peu plus loin encore de la notre. Pôle a tout d'abord voulu me faire croire qu'il avait grandit, mûrit, évolué avec son temps. Pôle m'a parlé dématérialisation, actualisation de situation en ligne, envoi de mails et de sms pour confirmer nos rendez-vous. Il a  tenu parole en apparence. Inscription en ligne, sms, tout était parfait. Puis il y a eu le fameux document à remplir, et les 112 justificatifs à fournir. Pôle ne me faisait pas confiance. J'ai également scrupuleusement remplit le document "préparation de l'entretien" en cochant en gros, en gras la case "NON" à la demande "Avez-vous besoin d'une formation pour la rédaction de CV?". Si j'avais pu, je l'aurais mis en 3D mais j'avais peur que le conseiller n'ai pas les lunettes adéquates sur lui au moment où nous nous rencontrerions.

Est arrivé le fameux jour du rendez-vous, un mercredi à 11h10. Pourquoi 11h10? mystère... Les locaux sont vétustes, Valérie Damidot aurait du pain sur la planche, mais tout de même, Pôle ne mérite pas ça. A peine rentrée, je me rends bien compte que j'aurais du opter pour une tenue moins voyante : le sac léopard a son petit succès dans le milieu de la communication, chez les copains de Pôle, c'est un peu too much. Bref, je me dirige vers le guichet où la personne charmante me propose un thé et des petits gâteaux pour patienter. Je déconne, c'est apparemment le jour d'un challenge interne secret "celui qui prononce le moins de mots gagne un carambar", et la personne en face de moi prends ceci très au sérieux. J'ai le droit à "Convocation", "Carte Vitale, Carte d'identité" et "Attendez sur les sièges bleus". Je range mon joli dossier violet à fleurs que j'avais commencé à déballer sur son guichet et me rend aux sièges bleus. Pour nous faire patienter, Pôle met à notre disposition diverses revues très bien choisies "Rebondir", "Courrier Cadres", "Entreprises et Carrières". Si j'avais oublié un instant que moi je n'avais plus de carrière, que j'étais encore plus loin qu'avant du statut cadre et que, franchement, à part rebondir sur mon canapé en pleurant, je n'avais pas été très pro-active de ce côté ces dernières semaines, Pôle est là pour me le rappeler, le fourbe.

L'entretien est conforme à mes souvenirs et à mes attentes : il n'y a pas de boulot dans mon secteur dans la région, je n'ai pas besoin de l'aide de Pôle pour trouver du boulot au vue de mon niveau d'étude et mes antécédents pro : au début ça passe pour un compliment, le deuxième effet Kisscool étant de se rendre compte que, non, vraiment on ne l'intéresse pas, Pôle. Et je dois également retrouver deux bulletins de salaire que mon charmant conseiller a du faire tomber derrière la photocopieuse. Pas grave, je vais juste devoir contacter la RH de mon ancienne entreprise, c'est rien, c'est pour moi, ça me fait plaisir. Par contre, je sens bien que Pôle m'a enflammée concernant la "dématérialisation" des documents au vue de la tonne de photocopies nécessaires à la constitution de mon dossier. Certes, je pourrais actualiser ma situation tous les mois directement sur son site internet grâce à mon code secret... que je recevrais pas la courrier postal... Il n'est pas à une contradiction près, Pôle.

Au bout d'une heure, me voilà sur le trottoir, seule, dans le froid sous la pluie, serrant mon petit dossier à fleurs contre moi, réajustant mon sac léopard sur mon épaule. Dix ans sans se voir et Pôle n'a pas vraiment changé en fait, il me laisse toujours avec un goût amer, avec ce sentiment de loose profonde. Et il ne m'a même pas proposé de déjeuner. Merci Pôle. Mais pour la prochaine fois, je saurais. Je viendrai bourrée comme un coing. Boire ou conduire, il faut choisir, je me ferai accompagner. Mais je ne serai pas rancunière, je lui amènerai un cadeau, et portant haut mon petit sac léopard, dès mon arrivée je lui lancerai avec fierté "Pôle, une Tourtel?"




mardi 15 mai 2012

I will survive, la journée de la glande.

Et voilà c'est vous qui avez été désignée, vous vous sentez seule, moche, en colère. Mais pas de panique cette journée de permanence peut aussi être une journée très productive. Vous pouvez vous avancer sur plusieurs dossiers, être pro-active sur les évènements à venir, mettre à jour votre courrier, optimiser votre système de classement. Non, je déconne, soyons sérieux, cette journée devra être officiellement la journée de la glande. Mais attention, une journée de la glande ne s'improvise pas. Bien réfléchir à votre emploi du temps vous permettra de ne pas commettre d'erreurs, et de transformer une journée de la glande salvatrice en journée de la loose, genre je m'ennuie tellement que je finie pas bosser efficacement.
Déjà, il n'est pas nécessaire de vous lever aux aurores, il n'y aura personne sur la route ni au parking, tout le monde fait le pont sauf vous. Si par mégarde vous arrivez tout de même avant 9h, précipitez vous sur votre poste pour envoyer un mail à 2 ou 3 personnes bien placées, ça pourra toujours servir. Sinon, on arrivant, passer prendre une petite viennoiserie pour le petit déjeuner, il vous faudra quelque chose à tremper dans votre chocolat chaud de 10h30. En arrivant, au lieu de vous précipiter dans l’ascenseur en murmurant un bonjour, arrêter vous et entamer la discussion avec l'hôtesse d'accueil. Sondez-la pour connaître les personnes présentes, qui est déjà là, qui a fait croire qu'il sera là alors qu'il a juste transférer ses appels téléphoniques à son domicile, etc. Ensuite, il est déjà temps de passer au courrier, là où vous n'allez jamais d'habitude, attendant paresseusement que les gentils messieurs déposent le tout dans votre case, à votre étage. C'est donc l'occasion de discuter un peu avec eux, de parler de tout et de rien, et de piquer dans les cases des absents les magazines et autres journaux qui ne seront de toute façon pas lus.
Une fois dans votre bureau, la matinée est déjà bien avancée, et vous devez vous acquitter de la mission la plus importante de cette journée : savoir sur qui vous pouvez compter. En fait, savoir qui a aussi perdu au tirage au sort et a du venir aujourd'hui. Un mail rapide à tous vos potos de bureau, sobrement intitulé "personnel / au secours à l'aide à moi je suis seule il y a quelqu'un" où vous développez votre sentiment d'abandon devrait suffire à faire réagir vos collègues isolés également. Une fois éliminés de votre boîte mails les messages d'absence des plus chanceux (non sans avoir répondu des choses désagréables, cela va de soit), triez les personnes restantes et programmez vous la pause de 11h, le déjeuner, la pause de 15h, le goûter, et l'accompagnement au parking dès 17h. 
Si vraiment c'est le désert, que vous êtes une des seules à vous être faites avoir, il faut mettre en place le plan d'urgence. Mais attention, celui-ci n'est à utiliser qu'en cas de situation extrême, une fois terminée la lecture de "Elle", finalisée la manucure, épuisés tous les sites de ventes privées. Ce plan d'urgence se nomme officiellement "la visite aux fournisseurs sur site". Attention tout de même, quelques règles à respecter : le fournisseur doit être envisageable dans le cadre de votre activité (tout magasin se chaussures, sacs à main, maquillage sera à proscrire si vous ne travaillez pas dans ce secteur), vous devrez vérifier que l'entreprise est bien ouverte ce jour. Calculer l'heure de visite en fonction de l'activité du fournisseur : 11h30 pour un traiteur (apéritif + amuse-bouche), entre 14h et 16h pour un pâtissier (café et/ou goûter). Et si vous avez la chance d'avoir un fournisseur proche de chez vous, prévoyez 15h30 : entre le trajet, la visite, le plein d'essence et le passage à la station de lavage pour votre auto, il sera plus sage de partir aussitôt le déjeuner et de rentrer directement chez vous après le rendez-vous...
En ayant tout bien programmé durant cette journée, au lieu d'en ressortir déprimée, vous pouvez très bien quitter le boulot au mieux épanouie de tous ces échanges, zen de cette journée sans môme, au calme, détendue, et être à deux doigts de vous porter volontaire pour la prochaine permanence. Il ne faudra pas oublier non plus de vous faire plaindre aux retours de vos collègues, histoire de les faire culpabiliser un peu, les lâcheurs. Parce que bon, la journée de la glande c'est sympa, mais vous espérez bien que d'ici le prochain "pont"  on vous aura recruté un stagiaire...

mardi 8 mai 2012

Pour un pont, bien chez moi, je ferais n’importe quoi…


Attention, sujet sensible et stratégique. Qui n’a jamais vécu la lutte glaciale pour obtenir le jour de congé qui va transformer une minable RTT en très attendu « Pont », ne peut comprendre. Un petit jeudi de repos, contre un jeudi-vendredi-samedi-dimanche, soit plus de jours de congés que de jours travaillés dans une semaine. Et ça, c’est un peu l’eldorado du salarié.
Il y a les pros du pont, qui calculent tout des mois à l’avance et qui prennent tout le monde de cours. Il y a ceux qui ont déjà réservé leur week-end, donc il leur faut absooooooooooooooolument ce jour ; ceux qui n’ont pas de nourrice qui doivent obtenir cette journée sous peine de venir avec les mouflets. Il y a les soûlants à temps partiel, qui n’ont même pas besoin de poser une journée pour obtenir le fameux pont, ou qui en ne posant qu’une seule journée, se font tranquillement une petite semaine de vacances.

Se pose alors la fameuse question de la « permanence ». En gros, qui va galérer à venir alors que tout le monde chez lui dort encore profondément, pour se faire chier toute la journée parce que l’ensemble des interlocuteurs habituels feront le pont, eux. Si on a la chance d’avoir un stagiaire dans le service, celui-ci se voit aussitôt reconnus des progrès fulgurants qui le font passer d’esclave incapable, à étudiant responsable qui peut tenir le service seul pendant cette journée fatidique. Non ce n’est pas une punition, encore moins de l’opportunisme, c’est pour le récompenser de son implication dans le service et une opportunité énorme pour lui.
Si vous n’avez pas de stagiaire et que vous êtes intérimaires, vous pouvez commencer à paniquer, la permanence est pour vous. En contrat à durée déterminée depuis peu, vous pouvez aussi oublier le week-end en amoureux, c’est cuit.

Là où il est plus difficile de trancher, c’est quand il n’y a que des CDI. La logique voudrait que l’on se partage le calendrier. Naïfs que vous êtes, nous ne sommes pas dans un monde parfait, nous sommes en entreprise. Les critères sont donc objectifs et totalement liés au mérite de chacun, seront donc privilégiés :
-        la manager : elle a une vie elle, et puis avec tout le boulot qu’elle abat elle a le droit et puis de toute façon elle est ligotée à son blackberry donc joignable, donc ça ne compte pas.
-        La fayotte : trois semaines qu’elle le travaille au corps, elle l’a bien mérité aussi…
-        La pleureuse : là, tout le monde est ok parce que si elle chougne ne serait ce qu’une fois encore, l’ensemble de l’équipe pourra se (re)souder pour la frapper,
-        La harpie : parce qu’elle fiche la trouille à tout le monde et plutôt renoncer à son pont plutôt que d’affronter sa colère.

Bref, ne resteront que ceux qui, voulant être diplomates et faire régner une bonne ambiance au bureau se porteront volontaires. Ceux qui adorent bosser sans personne pour être tranquilles. Ceux qui visent plutôt le pont suivant et qui pourront brandir cet argument pour l’obtenir.
Et celle qui, bêtement, devra renoncer à son week-end avec beaux-parents et enfants à cause de son obligation de tenir la permanence. Et ça c’est ballot.

PS : toi qui est manager et qui a peur d’affronter tes troupes, une piste pour toi. Dis à ton équipe que tu veux les responsabiliser, que tu es pour un management participatif et que tu préfères leur laisser la main pour désigner dans le calme celui ou celle qui tiendra la permanence.

lundi 7 mai 2012

La nostalgie du stagiaire


Parfois le stagiaire me manque. Pas un manque fugace comme quand j’ai envie d’un café et que je ne veux pas me lever, ou que la queue à la photocopieuse dépasse les trois personnes. Non, un vrai manque, comme quand vous lancez le jouet de médor en espérant qu’il le ramènera et que vous réalisez que cela fait plusieurs semaines maintenant qu’il est enterré dans le jardin. Ce manque qui vous prend aux tripes, qui vous met mal à l’aise, qui vous collerait presque la larmichette si nous n’étions pas en train de parler d’un stagiaire.

Entendons nous bien. Je parle du vrai stagiaire, le dévoué, le fidèle, celui qui veut prouver au monde entier ou tout du moins à l’étage qu’il est un bon élément. J’ai moi-même été stagiaire dans un temps lointain, lors de ma dernière année d’études. Nous avions deux objectifs simples pour nos stages : se rendre indispensable et piquer la place de notre maître de stage. Bref, de petits anges extrêmement serviables avec des dents prêtes à s’enfoncer dans la chair de la personne nous ayant pris sous son aile. Au cours de mes différents stages, j’ai pu voir plusieurs fonctions du stagiaire. La fonction « machine à café/photocopieuse », très instructif quoique légèrement avilissant, la fonction « faire-valoir », c'est-à-dire, « tu as vu, moi j’ai un/une stagiaire, c’est que j’ai un poste haut placé et que je suis over bookée », dans ce cas il vaut mieux avoir une formation de psy ou une lecture assidue de la presse féminine pour vous en sortir parce que vous allez en entendre des délires égocentriques ; et la fonction « je te fais bosser comme un salarié mais je te paye une misère », là tu vas apprendre, là tu vas bosser, et tu vas bien comprendre le monde du travail.

Plusieurs stagiaires sont passés dans mon bureau, mais j’ai la nostalgie des premiers surtout. Ils étaient pros, attentifs, dévoués, plein d’admiration et en plus ils bossaient. Il y a eu quelques accidents de parcours, comme cette fille de presque 30 balais qui a abandonné son stage au bout de deux semaines parce que son chat lui manquait (…), une qui faisait super bien son boulot mais trop émotive, qui faisait crise d’angoisse sur crise d’angoisse. Bon j’avoue, la première était sympa, j’ai pu mettre en pratique ma formation secourisme suivie quelques temps auparavant, et j’ai eu tout bon. Au bout de la douzième en trois semaines, quand on entre dans le bureau et qu’on la voit à nouveau allongée sur la moquette du bureau, on a juste envie de lui dire que quand elle aura fini, elle voudra bien terminer la distribution du courrier, merci.

Maintenant nous avons des stagiaires étranges. Le niveau de leurs compétences et  de leur implication est inversement proportionnel à leur niveau d’études. Ils souffrent assez souvent de narcolepsie, et n’hésite pas à déclarer préférer aller à la rencontre du monde qui les entoure, à découvrir de nouvelles cultures, à s’intéresser à des personnes nouvelles plutôt que de rester pour boucler un dossier. Traduction : non ils ne resteront pas après 17h parce que c’est vendredi, qu’ils vont rater l’happy hour du café du coin, être en retard au cinoche et ne seront donc pas assis à côté de leurs potos.
Bref, le stagiaire d’aujourd’hui est une feignasse ma bonne dame, mais une feignasse dotée d’un ego surdimensionné. Parce que nos responsables pensent qu’un stagiaire bac + 5 ou pire sortant d’une école de commerce sera plus efficace. Il en ressort surtout qu’il sera hautain, ne voudra pas réaliser les tâches qu’il trouve ingrates et qu’il vous demandera sans cesse combien vous gagnez depuis que vous êtes ici. Si en plus le stagiaire est une minette tout droit sortie de Gossip Girl, avec des seins collés sous le menton, qui fronce les sourcils de dégoût dès que vous commencez à évoquer vos enfants, c’est le pompon.
Mais le pompon du pompon, la punition ultime, là où la bonne aubaine du stagiaire se retourne contre vous, c’est lorsque l’on vous colle un enfant de collaborateur… au mieux, ce sera un « stagiaire fantôme », avec des horaires proches du 11h-11h30 / 15h-15h45 les mardis et jeudis (le lundi c’est lendemain de week-end, le mercredi c’est la journée des enfants et le vendredi c’est déjà le week-end). Au moins, il ne vous met pas de bâtons dans les roues, le seul risque étant de ne pas le reconnaître quand vous le croiserez dans les couloirs.
Il y a la version fouine, enfant de syndicalistes par exemple, cantonné à des tâches purement administratives. Très fatiguant à diriger puisqu’il connaît tous les textes réglementaires et que le moindre écart de langage ou de comportement peut prendre des proportions inimaginables.
Et puis il y a le stagiaire-boulet, la buse qui ne sait rien faire, qui a les yeux dans le vide quand il doit être attentif plus de cinq minutes d’affilée, et qui râle dès qu’il doit effectuer un travail. Ce qui donne de grands moments de solitude quand le parent, angoissé ou fier, se pointe pour savoir comment se débrouille sa progéniture…

Mais au final, c’est tout de même sympa un stagiaire, pour effectuer les travaux qui nous soûlent, descendre au courrier pendant que l’on traîne sur "vente-privée", aller chercher un café, monter dans les services dans lesquels nous n’avons pas envie d’aller. Et puis un stagiaire c’est valorisant, on l’a, il est à nous, il nous est « rattaché », c’est nous qui décidons si son stage est concluant ou non.
Non, vraiment, j’ai la nostalgie du stagiaire depuis que je suis à la maison… je vais peut être voir avec l’école primaire de mon fils si ils font des conventions de stage ? à quel âge un enfant est-il capable de servir un chocolat chaud avec des cookies à 16h sans en mettre partout ?