mardi 25 septembre 2012

Partir un jour, sans retour, effacer, notre amour, sans se retourner, ne pas regretter, penser à demain recommencer…



Lorsque l’on passe dans une entreprise, il y a une arrivée et un départ. Quand je suis arrivée dans mon ancienne entreprise, un des premiers évènements que j’ai eu à organiser fut la célébration des départs en retraite de l’année. Chaque retraité ou futur retraité reçoit personnellement une invitation de la direction à une petite fête dans les locaux. L’entreprise met à l’honneur ses « seniors » avec cocktail et champagne, au cours d’une réception où leur supérieur hiérarchique va retracer la carrière de chacun, avec les faits marquants, soulignant les qualités de l’intéressé. Puis la conclusion de chaque discours présente à l’assemblée les perspectives de chaque nouveau retraité. A l’époque, j’avais été effrayée d’entendre que certains allaient se consacrer au jardinage, à la pêche, à la couture, à l’origami… du haut de mes 25 ans, et de mes deux années d’expérience professionnelle, je trouvais ça d’un déprimant, d’une tristesse de quitter un poste de manager, avec des responsabilités pour un petit bout de jardin. Neuf ans après,  j’aurais donné une bonne partie de ma collection de chaussures pour que l’on me demande de m’occuper de mon jardin plutôt que de venir bosser. Je me serais même mise au patchwork s’il avait fallu. (N’y voies aucune raillerie sur cette activité, juste que mes mains se transforment en deux mains gauches dès qu’elles approchent une aiguille).
Durant mon passage dans cette entreprise, il y a eu moult pots de départ. Les pots de départ collectifs annuels pour les personnes partant à la retraite bien sûr, mais aussi et surtout, les pots de départ individuels. Phénomène socialisant s’il en est, le pot de départ te permet d’évaluer ta notoriété dans l’entreprise. Comme les invitations aux goûters d’anniversaire quand tu étais enfant. L’invitation se fait par mail groupé, comme ça tu peux savoir qui est invité aussi, la personne indiquant l’heure et le lieu. Un autre mail suit en général, émis par la personne qui détient la fameuse enveloppe, dans laquelle chaque invité pourra déposer sa participation au cadeau commun. Et là, tout le monde, surtout le conjoint dit merci aux bons d’achat… J’ai assisté à plusieurs pots de départ. Pour certains de mes collègues qui avait une vraie opportunité de carrière, et même si je les appréciais beaucoup, j’étais sincèrement contente pour eux. Il y a ceux pour qui je m’en fichais pas mal, mais qui n’aurait pas sauté sur l’occasion d’un apéro gratos avec les copines ? Il y en a où je suis allée juste pour m’assurer que la personne partait bien. Je me rappelle très bien d’un pot de départ d’un grand N (ah oui, il faut que je t’explique les N). Un homme très imbus de sa personne qui a passé les ¾ de son discours à nous expliquer combien il avait fait gagner à l’entreprise alors que son salaire - mirobolant à la base, hein, vas pas verser ta larme – n’avait quant à lui pas évolué. Comme je savais qu’il avait du lui-même financer son pot de départ (oui, plus tu es un grand N et moins tu paye ton pot), je n’ai pas hésité à y aller. J’ai mangé tout ce que je pouvais, je me suis bien alcoolisée et le comble,  je n’ai pas mis un centime dans son enveloppe. Pire, il y a un pot de départ que j’ai boycotté. Je me suis fait taper sur les doigts parce que ce n’est pas une personne à laquelle on avait le droit de dire non, c’était mal. Mais je n’ai même pas cédé à l’appel des petits fours et du champ’, je n’ai pas mis de thunes dans l’enveloppe (en même temps, vu nos écarts de salaire, c’était plutôt à lui de me filer un chèque…) et je ne me suis pas pointée. On a fait un pot entre nous, pour fêter son départ, sans lui. Si tu veux connaître ton degré de popularité, le fait que les personnes organisent un pot pour fêter ton départ, mais sans toi, peut être un très bon indice.
Lorsque les conditions de travail se sont un peu tendues, l’atmosphère des pots de départ s’est légèrement modifiée. Certes nous nous réjouissions toujours des nouvelles opportunités pour nos collègues mais une pointe d’envie et de jalousie apparaissaient très nettement. Encore plus nettement lorsque la personne se voyait remettre en fin de soirée, des CV à transmettre à sa nouvelle entreprise « au cas où ». Le dernier pot de départ auquel j’ai assisté fut celui d’une vraie copine. Elle ne partait même pas en dehors de l’entreprise, juste sur un autre site. Mais là, j’ai versé toutes les larmes de mon corps alors qu’elle débutait seulement son discours…

Et puis il n’y a pas eu mon pot de départ. Le mien. Celui où j’aurais convié toutes les personnes avec lesquelles j’avais aimé travailler, que j’avais aimé côtoyer. Toutes ces gens avec leur personnalité plus ou moins en adéquation avec la mienne que j’avais vu tous les jours pendant près de neuf ans. Celles qui ont vécu avec moi au quotidien l’évolution de ma carrière, de ma vision du travail, de ma vie privée, qui ont vu mes grossesses, mes remplaçantes et mes retours au boulot. Toutes celles et ceux qui m’ont rendu la vie infernale, et puis celles qui m’ont épaulé lorsque j’ai touché le fond, qui venaient prendre de mes nouvelles, qui m’amenaient des goûters dans mon bureau. Je suis partie par la toute petite porte, sur la pointe des pieds (ou sur les genoux pour être plus exacte).
Mais la semaine dernière, j’ai tout de même réuni en tout petit comité quelques unes de mes anciennes collègues et amies pour un pot de « nouveau » départ. J’ai retrouvé avec plaisirs leurs rires et leurs sourires, écouté les histoires d’entreprise qui manquent tout de même lorsque l’on travaille seule. Cela m’a fait beaucoup de bien de les revoir toutes, cela m’a même réconciliée un peu avec l’entreprise, et je me dis qu’effectivement c’est bien aussi de ne se souvenir que des belles choses. Et puis j’ai eu un joli cadeau. Ou plutôt deux. Je te mets le deuxième en photo, parce que pour le premier je ne serais pas visible. C’est mon cadeau à moi pour toi, vas y moque toi, ça me fait plaisir.


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