jeudi 13 septembre 2012

De l’art de choisir le bon costume



La pause café de ce matin s’est révélée être placée sous le signe du défi. A peine ma pièce de 20 centimes insérée dans la fente, qu’un collègue me lance « tu arrives à bouger ton nez comme Samantha ? » devant le regard interrogatif de cinq autres personnes. Bien sûr que j’arrive à bouger mon nez comme Samantha, ma sorcière bien aimée, de la même façon que j’arrive à arrêter le temps en plaquant mes deux mains l’une contre l’autre comme dans la série « Loin de ce monde » rétorquais-je.  Comme personne ne semble connaître cette série (mais si tu sais, l’ado qui arrivait à arrêter le temps, son père était un extra-terrestre. Même grâce à ça, elle avait triché à un contrôle de maths et qu’elle avait eu de gros problèmes. Non toujours pas ?) et que tout le monde souhaitait que j’exécute le geste qu’ils tentaient tous de faire depuis un bon quart d’heure, me voici en pleine tentative de bougeage de nez. Si tu es normalement constitué, ça ne marche pas, hein, tu donnes juste l’impression de mal imiter un hamster ou un lapin nain.
Le grand questionnement qui suivit, fut, si nous possédions des pouvoirs magiques, que ferions-nous ? Et là en fonction des réponses, tu peux très vite identifier ceux qui se sont frittés avec leur conjoint le matin, ceux qui n’ont pas digéré le refus de priorité de la « pétasse en bagnole rouge », ceux qui ont du suer sang et eau pour déposer dans l’ordre et relativement à l’heure leur progéniture à l’école/garderie/crèche et ceux pour qui la journée de boulot a vraisemblablement mal commencé. Des envies de disparition soudaine de personnes devenues insupportables, au besoin de la dernière paire de chaussures nécessaire, au sac à main incontournable, ou au dernier gadget hitech, en passant par les différentes parties du corps à refaire, l’imagination collective est fertile. Dans ce genre de discussion, parfois, il y en a un qui plombe l’ambiance, en souhaitant la paix dans le monde et l’éradication de toutes les maladies, alors que toi, pauvre égoïste nombriliste, tu viens de déclarer que tu souhaitais pouvoir faire apparaître un éclair au chocolat juste en claquant des doigts… Heureusement ce matin, l’humeur est plutôt festive, et les souhaits se dirigent vite vers ce qui serait bon de changer dans l’entreprise. Moi je décide que j’affublerais les personnes que je n’aime pas d’attributs animaliers. Pas ceux auxquels tu penses, esprit perturbé. Plutôt des sabots à la responsable hautaine qui ne salue personne en dessous des N-3 (je t’expliquerai le coup des N, en gros plus tu en as au dessus de toi, plus tu es insignifiant), des oreilles d’âne au jeune diplômé d’école de commerce qui se la pète, et cri de mouton à chaque fois qu’un directeur ouvre la bouche.
Une fois épuisée toutes les possibilités, vient la question rituelle, celle qui apparaît régulièrement dans les repas, les apéros : et si on gagnait à l’Euromillions, là tout de suite, qu’est-ce qu’on ferait ? Parce qu’hypothétiquement, on ne se contente plus de gagner au loto, on voit grand, on est ambitieux, on gagne à l’Euromillions nous. Nous sommes tous ok, déjà on rembourse nos crédits par milliers, on achète baraques immense un peu partout, on voyage, on fait plaisir, on fait profiter. Et très vite, la question du boulot se pose. Que faire ? rester et glander ? partir du jour au lendemain ? racheter sa boîte et virer son boss, ou mieux, devenir son patron. Replacer toutes les personnes dans un autre ordre, une sorte de partie de chaises musicales géantes. Le directeur de la communication devient hôtesse d’accueil, qui devient DRH, qui pointera désormais au service courrier… Projet réjouissant mais difficilement viable en terme de rentabilité d’entreprise. La proposition qui remporte tous les suffrages est au final le départ précipité : même pas envie de récupérer ses stylos, ni la photo du petit dernier encadré qui trône sur le bureau. Tout le monde a comme référence la célèbre publicité du loto, et de cet homme avec une tête de canard chantant  « au revoir, au revoir, président … » devant son boss, visiblement ravi. Mais pour faire son petit effet, il faut bien préparer son intervention, il y a fort à parier que nous ne pourrons le faire qu’une fois. Sauf que la matinée est déjà bien avancée, que si nous continuons notre pause café, nous allons quitter en retard pour le déjeuner.
Après concertation, nous sommes repartis chacun dans notre bureau, avec pour la première fois de notre vie, des devoirs de machine à café.
Pour vendredi 14 septembre, première pause du matin : trouver le costume adéquat pour la déclaration d’abandon de poste lorsque la cagnotte de l’EuroMillions sera dans notre poche… 


2 commentaires:

  1. Tiens, il a un air qui me revient celui-là... :D en plus, il est de saison. Bien joué !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. ouh que j'aime lire ce pseudo moi ! merci à toi, biz...

      Supprimer